Ewan, prince de Shanghai
16 novembre 2019 - 06:13
La troisième édition du Tour de France Škoda Shanghai Critérium a été remportée par l’Australien Caleb Ewan (Lotto Soudal), vainqueur d’un sprint à trois face à l’Italien Matteo Trentin (Mitchelton – Scott), médaillé d’argent des derniers Mondiaux de cyclisme sur route et au Néerlandais Steven Kruijswijk (Team Jumbo – Visma), troisième du classement général de la Grande Boucle 2019, qui complètent dans cet ordre le podium du jour. Le maillot vert revient à Vincenzo Nibali (Bahrain – Merida), récompensé pour sa vigueur sur les quatre sprints intermédiaires, tandis qu’Egan Bernal (Team Ineos), Maillot Jaune du Tour de France sur les épaules, repart avec le prix de la combativité. À 25 ans, Caleb Ewan s’offre, en prime, le maillot blanc du meilleur jeune et décroche, avec ses coéquipiers Adam Blythe, Thomas De Gendt et Tim Wellens, le classement par équipes !
Il n’y avait pas de temps à perdre, ce matin, sur le circuit dynamique de 61,2 kilomètres, pour les coureurs du Tour de France, déjà victimes, pour la plupart, du changement de fuseau horaire. Concentrés sur la chasse aux points qui les attendait dès le deuxième tour, ils étaient nombreux à s’observer en silence, dès la ligne de départ, baignée de soleil en cette matinée de novembre, tandis que des spectateurs enthousiastes agitaient en leur honneur des drapeaux aux couleurs du Critérium. Composé de 47 coureurs, dont 28 Chinois, le peloton d’exception guettait le feu vert, donné à 10 heures 10 heure locale par l’influenceuse Rachel Liu, 8 millions d’abonnés au compteur, sous les applaudissements généreux du public shanghaïen.
Les plus ambitieux se déclarent d’entrée de jeu : sept coureurs s’échappent sitôt la course démarrée. Parmi eux, Vincenzo Nibali (Bahrain – Merida), visiblement motivé par la conquête du classement par points, établi cette année par l’addition des points obtenus dans chacun des quatre sprints intermédiaires, tous jugés sur la ligne d’arrivée – aux 2ème, 6ème, 10ème et 14ème tours. Le grimpeur, qui vient de fêter ses 35 ans, rafle sans surprise la mise, suivi de près par Egan Bernal (Team Ineos), tunique en or sur les épaules, encouragé en espagnol par des fans munis de pancartes « Go, Go, Go Colombia ! » Le requin de Messine et le nouveau prodige du cyclisme mondial, Maillot Jaune d’hier et d’aujourd’hui, rouleront ensemble sur une bonne partie du circuit. Le vainqueur de la Grande Boucle 2014 sera battu de peu lors du deuxième sprint intermédiaire par le coureur Yu Junsong (Yunnan Cycling Team), qui accélère la cadence pour se mesurer aux deux champions. Celui de 22 ans, dont les fossettes se creusent à mesure qu’il attaque, totalise désormais 6 points. Il sait que le prix de la combativité est à portée de main. Sur le sentier du bas-côté, des ouvriers protégés par des casques sombres ont provisoirement délaissé leur chantier pour admirer parader la procession bariolée.
Pendant ce temps-là, les coureurs de la formation Mitchelton – Scott fournissent les efforts nécessaires pour permettre à Matteo Trentin, leur chef de file, de disputer la victoire finale. Passé en tête du 4ème et dernier sprint intermédiaire, Nibali, visiblement assoiffé, cesse alors les siens à 11,6 kilomètres de l’arrivée. Dépassé par le champion d’Europe 2019 et son coéquipier Adam Blythe, le Sicilien s’est assuré une place de choix sur le podium, à la faveur de ses 19 points. Il reste 9 kilomètres à parcourir quand Steven Kruijswijk (Team Jumbo – Visma), jusqu’ici discret, refait surface avec, dans sa roue, Caleb Ewan (Lotto – Soudal), qui faisait, depuis le début de la compétition, lui aussi profil bas.
Le suspense atteint son paroxysme quand la cloche indiquant l’ultime tour retentit enfin. Car c’est bien un sprint à trois qui attend l’Italien, le Néerlandais et l’Australien. Le style sans pareil du dernier fait finalement la différence : quatre mois après s’être adjugé la victoire de la 21ème étape du Tour de France sur les Champs-Élysées, « Pocket Rocket » s’impose une nouvelle fois cette année et en profite pour rappeler, bras tendus vers le ciel dégagé, que sa carrière ne fait que commencer…